En 2002, le collectif Velvet Strike, constitué de Anne-Marie Schleiner, Joan Leandre et Brody Condon, propose aux joueurs à partir du célèbre jeu de Half life Counter Strike, de taguer sur les textures de leur map (lieu de la partie), des graffitis anti-guerre. Se positionnant comme leur nom l’indique, comme le velours de la contre offensive. Counter Strike est le jeu de tir en temps réel le plus joué sur internet. Deux équipes s’affrontent : les terroristes et les antiterroristes. L’origine de l’ action anti-guerre du collectif Velvet Strike est à l’encontre de la politique de terreur de Georges W. Bush amorcée après les attentats du 11 septembre et renforcée depuis la guerre en Irak. Le but étant de sensibiliser au cœur d’un simulateur de conflit.
Message qui n’est pas toujours bien reçu par les joueurs : après une action anti-guerre de Velvet Strike, beaucoup d’insultes fusent sur le chat en ligne. Plusieurs raisons sont possibles pour expliquer cette virulence de la part de certains joueurs, comme celle d’y voir de l’antijeu car l’auteur des tags n’a pas rempli correctement sa mission au sein de l’équipe (qui est de tuer les membres du groupe adverses plutôt que de taguer des messages politisés). D’autres comprennent le message anti-guerre et le trouvent hors de propos ici, la justification étant qu’ils sont là pour jouer, pas pour se « prendre la tête » avec de nobles idéaux. Une autre raison peut être l’homophobie, la vue d’une relation sexuelle suggérée entre un terroriste et un antiterroriste, n’étant pas du goût de tous les joueurs.
Le collectif Velvet Strike ne hacke pas le jeu, il se sert d’une fonction déjà existante qui est de pouvoir taguer la map. En appuyant simplement sur une touche, n’importe quel joueur peut taguer l’espace de jeu (plafonds, sol, murs). Le collectif détourne à son profit cette fonction populaire du tag, pour revendiquer, au milieu du champ de bataille, le credo de Peace and Love : l’amour pas la guerre. Les tags de Velvet Strike sont tous intitulés love, ils se distinguent par des numéros.
http://www.opensorcery.net/velvet-strike/embrace.mov
Embrace movie (extrait des vidéos du site Velvet Strike
Stratégiquement bien utilisé, le tag peut être une technique de combat efficace utilisée par les joueurs expérimentés. Ils l’utilisent comme leurre, taguant un personnage de leur clan sur la map pour que les tirs ennemis se focalisent sur lui. Cette fonction de stratège est donc détournée par Velvet Strike au profit de couples métissés s’enlaçant malgré les tirs des deux clans. Tels des Roméo et Juliette des temps modernes, le terroriste et l’antiterroriste s’accouplent au cœur de Vérone.
Counter Strike est l’emblème du jeu de la lutte antiterroriste, et par cela devient le lieu idéal pour les actions pacifistes du collectif.
Sur le site de Velvet Strike (c’est sur ce site que l’on peut télécharger les love spraies), on peut lire un texte d’Anne-Marie Schleiner qui explique la naissance du collectif Velvet Strike. Cette naissance du collectif pacifiste Velvet Strike est en réponse aux manifestations de haine qui ont envahi les jeux vidéo de type réaliste (de simulation). Depuis le 11 septembre 2001, Osama Ben Laden est modélisé à l’intérieur de jeux vidéo, incitant les joueurs à le tuer. Ainsi, lorsqu’on rencontre Ben Laden dans les Sims, on doit lui donner des chips empoisonnés afin qu’il meure sous le pouvoir du capitalisme (la chips en étant l’ironique symbole).
À l’encontre de cette effusion haineuse, Velvet Strike montre, en plein milieu de tirs croisés, la fleur de Woodstock qui pousse au cœur de la bataille. Le collectif propose une action pacifiste des plus intéressantes car le joueur aguerri qui parcourt la carte ne peut ignorer les changements visuels apportés par les love spraies, cela le pousse à s’interroger (sans compromettre de manière terroriste la jouabilité). Velvet strike inverse la donne de la haine réelle qui s’était instaurée lors de l’après 11 septembre dans les jeux de simulation, en offrant aux joueurs de Counter Strike de troquer un bouquet de violettes contre son fusil.
Il est intéressant de noter qu’aujourd’hui avec la réelle mort de Ben Laden, un jeu vidéo de Kuma Games, propose à ses joueurs comme conclusion à sa série Kuma War de tuer Ben Laden dans sa cachette du Pakistan. Ils ont modélisé leur niveau à partir des images du lieu qui ont été diffusées, en prenant bien soin de différer du rapport officiel en dotant le chef terroriste d’une arme.
http://www.kumawar.com/
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