Exposition : Press Play

L’exposition Press Play, the Art of Digital Games qui était proposée au Permanenten Museum de Bergen, est très orientée sur la production vidéoludique locale, puisque l’exposition propose de découvrir essentiellement le jeu vidéo nordique. Il est intéressant de noter dans ce sous-titre en anglais, l’expression Digital Games, à la place du beaucoup plus usité Videogames. La terminologie du mot ‘vidéo’ associé à ‘game’ connait beaucoup de détracteurs, car certainement trop réductrice ou trop empreinte au cinéma. Par le terme ‘digital’, traduit en français en ‘numérique’, on peut associer le numérique d’un coté et de l’autre la terminologie même du mot ‘digital’ : avec les doigts. Le tout combiné, donne un sens tout à fait logique au jeu vidéo : les jeux numériques sont des jeux sur machine auxquels on joue avec nos doigts.
(Je développerai plus en profondeur cette idée dans ma thèse ou/et dans un autre article)

Drømmefall, Den lengste reisen, 2006


Certaines des œuvres exposées sont des bluckbusters comme Hitman Blood Money ou Battlefield: Bad Compagny 2.
Pour ce dernier je rappellerai avec plaisir cette petite anecdote, datée de la sortie du jeu, où les chargés de communication de BBC2 ont su se jouer de la campagne de publicité de l’armée de terre française et de leur ‘site-slogan’ associé : devenezvousmeme.com, en placardant un bandeau supplémentaire aux affiches de BBC2 où on pouvait lire devenezplusquevousmême.com.

Battlefield : Bad Compagny 2, Digital Illusion CE, 2010

Le très notable Limbo faisait parti de cette sélection, puisque ce jeu a été développé par le studio danois Playdead Studios. D’autres petites production avaient l’air particulièrement réussies comme Crayon Physics Deluxe du studio finlandais Petri Purho et Walkie Tonky du studio suédois portant le nom intéressant de Pieces Intereactive (je précise que Interactive ne prend pas de ‘s’).

Crayon Physics Deluxe, Petri Purho, 2009

Les seules œuvres vidéoludiques non-nordique étaient évoquée dans des vidéos de présentation de l’histoire du jeu vidéo. De même sont présents dans le catalogue d’exposition des visuels des jeux japonais Okami et Flower connus pour leur esthétique particulière et le jeu français Heavy Rain.

La première salle est composée d’un visuel de chaque jeu nordique présenté, l’originalité de cette exposition est d’avoir réalisé les impressions de ces visuels sur des plaques métalliques, rendant d’une certaine manière l’illusion brillante de l’écran qui nous sépare habituellement de ces visuels.

Walkie Tonky, Pieces Intereactive, 2009

Dans la salle principale, où sont diffusée deux vidéos de vulgarisation de l’histoire du jeu vidéo, la mise en scène rappelle par ses sculptures, un niveau du jeu bèlge The Path, genre de nouveau chaperon rouge dans une forêt de la terreur. La balade au sein de cette scénographie est agréable car inhabituelle, la construction d’un décors virtuel dans lequel on peut se promener, donne la sensation d’être dans un décor théâtral, la notion de jeu est gardée.

Décor de l'exposition Press Play inspiré par le jeu The Path de Tale of Tales, 2009

Dans une alcôve, une vidéo nous montre les différentes étapes nécessaires à la construction d’un jeu vidéo. Il est en revanche dommage d’avoir pris pour exemple un jeu vidéo étudiant dont le rendu est plus qu’amateur, ce jeu était aussi le seul jouable dans l’enceinte de l’exposition. A mon sens la qualité déplorable de ce jeu nuit à tout le propos de cette exposition.  Il est d’ailleurs intéressant de noté qu’aucune référence à ce jeu n’est faite dans le catalogue d’exposition.

On pouvait voir dans cette salle des photocopies d’artworks punaisés, entre autres ceux du jeu vidéo tchèque Machinarium, point and click exposé de manière jouable lors du festival Gamerz05.

Machinarium, Amanita Design, 2009

Il aurait été plus intéressant de jouer dans cette salle à tous ces jeux nordiques exposés et pas toujours connus du grand public, ou aux jeux dont les artworks jalonnant ses murs. Cependant un écriteau à l’entrée de l’exposition indiqué qu’on pouvait emprunter, tous les jeux exposés sous forme de cdrom à l’accueil du musée.
Ne possédant pas de lecteur cd sur mon netbook, je ne pus tester les jeux en question.

Press Play est une exposition sympathique que je jugerai cependant trop petite, elle devrait a priori faire l’objet d’une tournée dans les pays scandinaves.

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Monsieur X


M. X aime passer inaperçu, il rase les murs…
Il tient avant tout à préserver son anonymat car moins il y a de personne à savoir qu’il existe plus il est tranquille.
Et la tranquillité, c’est la seule chose à laquelle il aspire.
Il a compris depuis fort longtemps que c’était en étant oublié qu’il atteindrait la plus grande quiétude.
Il s’est toujours débrouillé pour être au parfait milieu, dans la bonne nuance de gris.
À l’école, il était moyen, on se souvient autant de l’élève brillant que du cancre, alors que le simple élève sérieux, paressant juste assez besogneux pour ne pas retenir une attention particulière, a tendance à vite disparaître.
Il applique cette même méthode dans sa vie professionnelle, en s’affrétant jour après jour à être l’employé le moins en vue.
M. X a toujours été persuadé que s’il marchait les yeux fermés personne ne le verrait. Alors de temps à autre au détour d’un couloir, lorsqu’il entend les pas, il ferme les yeux, ils se rapprochent, il baisse la tête, ils sont là, il plisse ses paupières au maximum, ils ne l’ont pas salué, il souffle… ça a fonctionné ; comme hier et comme demain.
Les feux de la rampe et les complications que ça entraîne, il les laisse bien volontiers. Il ne veut pas être consommé, il ne tient pas à jouer et ne souhaite surtout pas paraître. Être est amplement suffisant !
M. X aime à se débrouiller à ce qu’on lui foute la paix ! Il ne la recherche pas royale mais simplement seule et sans histoire.
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Monsieur H


Si l’exactitude est la politesse des rois, alors sans aucun doute possible M. H est un grand monarque.
L’exactitude il en a fait son métier M. H est horloger.
De son père il tient la rigidité, l’amour de la règle et du devoir accompli.
De sa mère il prit toute sa minutie, la délicatesse du mouvement jusqu’à la perfection finale.
L’art militaire combiné à l’art de la table…
Il vit sur le méridien de Greenwich, ni à côté ni en dessous, mais dessus !
Là, il peut être à l’heure, question de bon sens, ailleurs ça ne tournerait tout simplement pas rond.
M. H est très précis, il est calé sur l’heure atomique, pas d’avant pas d’après la juste exactitude.
Un décalage pourrait bouleverser à jamais sa promptitude, alors il vérifie tout les quarts d’heure s’il est bien à l’heure.
« Un horloger décadré ! » cette simple idée suffit à le stresser.
Et le stress fait perdre du temps, qui l’oblige à courir pour le rattraper et sprinter ce n’est pas son métier… c’est avec sa montre que M. H court pas contre elle !
La nuance ici est reine…
Le Tic et le Tac ponctuent sa vie, c’est grâce à eux qu’il vérifie s’il est dans les temps, ou bien s’il a le temps ou encore s’il est grand temps…
Tic, Bonjour… Tac, il répare… Tic, il réajuste… Tac, il fronce les sourcils… Tic, il remet tout en place… tac, Au revoir.
Il ne dit jamais « À bientôt », car il espère toujours en secret que son travail, un jour, ne sera plus saccagé par ces inconscients qui portent les montres comme on porte un bracelet.

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QUI SUIS-JE?

Le QUI SUIS-JE? est une installation ludique de réalité augmentée co-réalisée avec Karleen Groupierre en 2009. Le projet doit faire l’objet d’une ré-exposition.

Cette installation fut récompensée du prix du ‘Village de la Création’ au Laval Virtual 2009, du prix artistique du Cube(2009) et reçu le second prix de l’IVRC France au Laval Virtual 2009.

Simulation du point de vue d’un spectateur

Le box de l’installation est tapissé, un grand cadre blanc orné de noir est accroché au mur, à son centre une galerie de portraits hybrides défilent… La tête et le corps diffèrent dans ces portraits, ils ne vont pas ensemble et sont pourtant associés comme l’improbable hybridation d’un corps humain avec une tête d’ours.

Au centre de l’emplacement, je me retrouve face à ce que je qualifierais de cube flottant à environ 1m50 du sol. On m’invite avec une autre personne à m’approcher du cube flottant. Nous nous retrouvons avec l’autre spectateur face à face, enfin presque puisque le cube m’empêche de voir son visage. On me donne un bandeau à placer sur mon front. La face du cube devant moi est encastrée dans un cadre blanc dont les moulures sont cernées de noir, au centre, un écran m’invite à participer. Pour cela, on me demande de choisir une tête en 3D parmi une galerie de portraits 3D. Une fois cette étape franchie, l’écran change d’interface, je reconnais le spectateur d’en face grâce à sa veste beige, sa tête a cependant été remplacée par la tête en 3D que je viens de choisir. Ma surprise passée, on m’explique que le spectateur d’en face à lui aussi choisi une nouvelle tête pour moi, le but du jeu étant désormais de deviner quelle tête s’est glissée entre mes deux épaules avant l’autre spectateur.

Pour cela, un clavier a été mis à ma disposition et me permet de poser des questions dont la réponse ne peut être que booléenne. Chaque fois que j’obtiens un « oui », je peux poser une question supplémentaire, si j’obtiens un « non », c’est au tour du joueur adverse de m’interroger. Je remarque que si je réponds « oui » à une des questions posées, la tête en 3D que je lui ai choisi, en l’occurrence ici, une autruche me sourit en revanche dès que je réponds « non », l’autruche semble faire la moue…La partie dure une bonne dizaine de minutes, jusqu’à ce que mon adversaire trouve, m’égarant pour ma part de plus en plus vers les contrés lointaines des héros de jeux vidéo. Ma déduction n’était pas mauvaise, puisque m’apparaît sur l’écran mon corps surplombé de la tête de Mario Bros (un Mario Bros somme tout abattu de ma défaite !).

Zut, comment ai-je pu passer à côté ! Mon adversaire est quant à lui content. On me demande de retirer mon bandeau et je retrouve ma bonne vielle tête sur mon écran. Je contourne le cube et vois la tête d’autruche à la veste beige sourire au vrai possesseur de la veste. Je ressens un léger trouble devant cette étrange face à face, qui ne m’avait pas effleuré lors de ma propre confrontation avec ce moi-Mario.… Mon adversaire n’a pas l’air pour le moins troublé et entame une danse de la victoire face à l’ovidé virtuel, qui tel un miroir suit ses mouvements sans se détacher de son sourire victorieux… jusqu’à ce que mon adversaire se tourne vers moi et me demande : « Pourquoi une autruche ? ».

Le dispositif, la mise en place :

LA BOITE :
L’installation QUI SUIS-JE ? se présente comme une boite de 49 x 50 sur 88 cm de hauteur suspendue à 1m50 au-dessus du sol.
Cette boîte en bois est suspendue grâce à 4 chaînes de 1m50 de longueur vissées aux quatre coins de la plaque en bois massif porteuse (celle du bas). Ces quatre chaînes se rejoignent à environ 50 cm au-dessus de la boîte et sont reliées à une cinquième chaîne mesurant 2m de long. Sur deux faces opposées, un rectangle de 35 x 25 est découpé, il sert à rendre visibles les 2 écrans de 17 pouces. A l’intérieur de la boite, trois étagères sont fixées. Les deux du dessus supportent des ordinateurs portables, la plus basse supporte une imprimante. Les claviers customisés sont posés, de part et d’autre des deux faces opposées découpées, sur une petite étagère en dessous de la découpe.

LA RÈGLE DU JEU :
Le QUI SUIS-JE ? est une adaptation en réalité augmentée d’un ancien jeu connu sous beaucoup de noms différents, comme Le Scotché, les Devinettes Vedettes, le jeu des Devinettes… Le principe est simple : chaque joueur choisit une carte face cachée devant lui et la colle sur son front (avec un bandeau par exemple). Sur cette carte est inscrit le nom d’une personnalité, d’un animal ou encore d’un objet… Le but du jeu est de deviner ce qui est inscrit sur notre front. Pour cela on peut poser des questions dont la réponse ne peut être que oui ou non.

LOGICIELS :
Le design de l’interface a été conçu sur le logiciel Adobe Photoshop CS.
Les Têtes en 3D ont été modélisé sur Autodesk Maya.
La plate-forme de temps réel utilisée est Dassault Virtools 4.

Description des enjeux artistiques

Enjeux crossmédias : L’informatique permet un passage du monde réel au monde virtuel. Ici nous transformons une interaction réelle (le jeu ancien) en une interactivité virtuelle (l’installation). Dans la création de cette adaptation, le choix du support doit faire l’objet d’une attention toute particulière car tout récit, tout rêve, tout souvenir à un champ lexical ou émotionnel qu’il faut s’approprier pour mieux le réinterpréter. L’interprète doit donc choisir judicieusement le média ou support qui exprimera le mieux sa pensée. Ici la réalité augmentée sous forme d’installation est le support qui fait le plus sens pour la réinterprétation de ce jeu.

Enjeux esthétiques : Grâce aux dispositifs de réalité augmentée, l’art numérique englobe davantage le spectateur. Dans le dispositif QUI SUIS-JE ? au-delà du jeu ludique, on propose à deux personnes de communiquer par l’interface machine. Cette interface machine permet de jouer avec la réalité, en ajoutant, en augmentant les spectateurs le temps d’une partie. Le temps de cette partie le spectateur vit en symbiose avec la tête 3D, ils ne peuvent se détacher l’un de l’autre sans cesser de faire exister cet être hybride du spectateur à la réalité augmentée. Ces spectateurs augmentés forment une armée hybrides d’hommes machines : des cyborgs.

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Madame G


Mme G est tragédienne, elle a la note aiguë et la larme facile.
Pleurer ce n’est pas si aisé, c’est même là… toute la tragédie.
Capturer la bonne émotion au vol, la laisser planer un moment, puis réussir à la faire couler, s’écouler, rouler et s’échouer dans un chuchotement – silence – la vie reprend.
La première larme advint après un véritable torrent de supplications et se voit toujours récompensée par des acclamations…
Puis c’est l’effroi, la foule est en émoi…
Et enfin l’effondrement, sous un tonnerre d’applaudissements…
Le rideau tombe, Mme G sèche ses larmes. Elle est très douée et elle le sait.
Mme G sort de sa loge et s’apprête à être félicitée de sa performance ; faire pleurer des milliers de personnes c’est fort!
Personne ne lui résiste de la grosse brute à la vieille femme aigrie, de vraies fillettes à la sortie!
Elle est considérée par certains spécialistes comme une véritable thérapie.
Mme G parade, fière et silencieuse au milieu de ces mains tendues, de ces sourires dont elle est l’unique objet, les yeux de sa cours sont encore embrumés.
Les siens sont secs, elle est sortie de scène. Demain, se dit-elle, « Je saurai être meilleure… ».

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Paix à mon âme – mon expérience vidéoludique avec Shadow of the Colossus

 Nous sommes d’abord au dehors du monde scellé, où nous suivons un jeune homme à dos de cheval, portant une étrange cargaison. Le décor est grandiose par ses vues dégagées , la musique mélancolique en accentue l’effet de grandeur. Nous arrivons face à un gigantesque pont, repoussant les lois de la gravité ; d’une finesse extrême il semble ciselé, il est le fin point de jonction entre les deux mondes.
Nous sommes désormais à l’intérieur d’une tour rappelant la prison de Yorda¹, nous descendons en colimaçon la vertigineuse hauteur. Traversons un grand hall, orné de part et d’autre de huit statues monstrueuses et déposons sur un autel, le cadavre que nous transportions. Le pacte sera bientôt passé.  Wanda veut la résurrection de la jeune fille.
L’accord est scellé avec Dormin, inquiétante entité invisible aux plusieurs voix ; il doit détruire les seize colosses vivant dans ce monde, à ce prix l’âme de la jeune fille sera rendu au corps inerte. Les voix préviennent évasivement notre Orphée que le prix sera plus élevé.

Les colosses sont magnifiques, des bêtes titanesques représentant la nature reprenant ses droits sur l’illusion d’une grandeur humaine passée, on pourrait les décrire comme des chimères de chair, de pierre, et de végétaux. L’intérêt du jeu repose dans l’obligation, de par la quête, à abattre ces créatures époustouflantes de beauté. Certaines ne se débattront même pas, augmentant le sentiment de culpabilité du joueur. La mise à mort est sublimée par la mélodie mélancolique, le sang de la bête jailli, lui arrachant son souffle de vie. A chaque colosse abattu, leur ombre nous transperce, le corps de Wanda s’abîme, son âme s’abandonne un peu plus entre les mains de Méphistophélès. Nous perdons connaissance et nous retrouvons systématiquement au pied de l’autel, où Dormin nous donne une nouvelle créature à abattre, nous partons accomplir notre sale besogne en jetant un regard sur le corps de la jeune fille qui semble reprendre, à nos dépens, un certain éclat.
Argo, notre monture est l’unique créature vivante avec laquelle nous interagissons dans ce monde vide où seuls quelques oiseaux et lézards croisent notre chemin. Des vestiges attestent d’une vie longtemps passée, balisant les routes menant au prochain colosse à assassiner. Nommé, le cheval est le seul lien qui nous raccroche à notre humanité. Wanda l’appelle, le caresse, le monte et traverse les déserts de ce monde, il n’est pas tout à fait seul dans sa quête.

Chaque colosse représente une énigme qu’il faut escalader et poignarder, le gameplay du jeu impose, à notre héro, une barre d’épuisement. Une jauge représentant la capacité physique de Wanda à escalader et à s’accrocher à ces montagnes mouvantes. Pour réussir à tuer la bête, on doit savoir se reposer, se cacher, se mettre à l’abri, dans une fissure du golem.
Les combats sont épiques, ressemblant parfois au duel opposant David à Goliath, rappelant les jeux du cirque, ou encore des corridas, allant jusqu’aux mythes herculéens… mais il n’y a rien d’héroïque qui ressort de ces luttes, on dupe la créature et on paie le prix en conséquence.

Dans Shadow of the Colossus, UEDA Fumito arrive à faire ressentir au joueur, le poids de ses actes, l’égoïsme de sa quête, le prix que nous voulons payer pour atténuer notre culpabilité ; cette perte de notre humanité. Nous nous maudissons et nous nous faisons renaître en enfant à cornes – Bienvenue dans ICO² .


2 Ico est un petit garçon maudit stigmatisé par des cornes. Lire La forteresse vide – mon expérience vidéoludique avec ICO.
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Mademoiselle L


Mlle L attend, elle attend des mots, des bouts de phrase très précis. Inscrits dans sa mémoire depuis toujours. Elle attend que quelqu’un les lui dise.
Des fois, elle essaie d’aller au devant mais c’est toujours très décevant.
A chaque déception, elle rallonge sa liste.
Mais elle ne désespère pas.
Non, l’espoir est là. Ces mots existent, elle les a déjà entendu, dit à d’autres qu’elle, certes ; mais ils sont là, pas loin.
Quelques fois son regard s’allume, s’illumine, la tension est palpable, il ne reste qu’un pas… et puis non, extinction des feux, du bout de la langue le mot est ravalé, le désir alors consumé.
En fait, Mlle L ne s’en fait pas trop, elle est juste exigeante, elle attendra ses mots le temps qu’il faut.
Elle est jeune et elle a entendu de jolies histoires qui ont eu lieu des fois tôt, d’autres tard.
Car Mlle L ne veut pas de l’à peu près, elle veut les termes exactes, ceux auxquels elle a rêvé.
Depuis lors, elle a décidé de prendre les mots en patience.

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Monsieur N


M. N est un chasseur… Il chasse les arcs-en-ciel.
La première fois qu’il en a vu un, il n’avait pas le matériel nécessaire à la capture. Désormais il est équipé ; d’un filet et d’une baguette de sourcier.
La baguette lui dit, lorsqu’il la brandit vers le ciel, s’il va pleuvoir.
Le filet, c’est pour capturer la lumière du soleil.
Voilà, l’équipement indispensable à un chasseur d’arc-en-ciel.
Ils sont rares dans la profession, car la société n’aime pas les illuminés : « toujours le nez en l’air à ne rien faire ! ».
C’est pour cela que M. N habite isolé, près d’une campagne ; de plus les néons de la ville représentent une gène considérable, aucun chasseur sérieux ne peut s’y établir.
Ici, le ciel y est beaucoup plus grand, l’arc-en-ciel est de meilleur qualité, on peut d’ailleurs voir, distinctement, briller ses jolis pieds.
Tous les matins, il se lève avec la conviction que c’est pour aujourd’hui, tous les soirs, il se couche avec la conviction que c’est pour demain…
En bref, M. N est juste quelqu’un qui court après ses rêves.
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Absorption Vidéoludique 1 : Audiosurf

(Article déjà publié sur le dernier des blogs)
Exposition Arcade ! jeux vidéo ou pop art ?

Je suis face à la borne d’arcade : un joystick dans la main gauche, deux boutons à porté de mon index et de mon majeur droit, je fixe l’immensité de l’espace… avec la musique mon voyage commence. Tel un cow-boy de space opera, je chevauche sur le rythme de ma musique électro dans le tube de cette bête sauvage aux angles quelques fois saccadés.L’expérience est intense, le joueur rentre instantanément en transe, il se déplace sur la piste en collectionnant des briques de couleur, qu’il classe, range dans l’unique but de performer : de dompter la vague. Je glisse entre ces briques que j’emmagasine, je compte : un, deux, trois et elles disparaissent au profit de mon score, je recommence inlassablement mon manège de valse à trois temps. Je les visualise, les attrape (bouton de gauche enfoncé) et les lâche (bouton de gauche relâché) au sein de ma collection, le score gonfle, enfle, je veux faire exploser le tabloïd.

Ma progression se calque sur la musique, je savoure les moments calmes et m’enflamme lorsque le rythme reprend son allure effrénée. La balade dure le temps du morceau de musique sélectionné, mon rapport avec ce morceau change, je ne l’écoute plus, je le traverse, je tente une improbable symbiose en sortant de cette enveloppe charnelle pour voler en lui. Ce temps nous est désormais imparti, nous demeurons seuls : lui et moi et nous mourrons ensemble à la fin de ses 2 minutes 33 secondes.

Je reprends mes esprits, le monde reprend vie autour de moi, il y a du bruit, des discussions, d’autres bornes d’arcade à jouer.


Voici une vidéo où vous pourrez vibrer au rythme d’un mix des Daft Punk et apprécier à sa juste valeur les saccades de votre course dans cet espace intersidéral

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Monsieur W


M. W est un homme de la quarantaine et disons, de classe moyenne. Plutôt bas que haut, il vit dans le métro.
Lorsqu’il tend la main, c’est pour inspecter des billets de train. Mais les regarde de haut, ce n’est pas ce qui vaut…
Son bonheur à lui se trouve dans ses joues flasques et molles, qui au premier abord le font paraître gros…
Les railleries, il les entend depuis toujours, mais il sait que ce sont ses joues qui font toute la grandeur de son souffle.
Il joue des cuivres…
Ses petits doigts agiles courent de touche en touche. Mais le plus impressionnant se passe autour de la bouche, lorsque la peau se tend, se gonfle, se lisse, s’affine devient enfin translucide et laisse entrevoir son monde, le moment d’un souffle, alors…
Il joue des joues.
C’est pendant les fêtes, celles de fin d’année, où il exerce pleinement son art : la R.A.T.P lui offre ses galeries ; du trafic, il tire son public.
Les va ou bien les vient, des passants font de M. W à ce jour un homme comblé.
Car grâce à ses bajoues, il peut souffler de tout son cœur dans son métier de souffleur.
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